Interprétation de l’œuvre

Nous cherchons à confronter les résultats acquis pour nous unir dans une foi commune, et marcher de l’avant. Une voix obscure pousse l’homme et la femme à se perfectionner, à reculer sans cesse les limites de l’intelligence et du cœur pour éterniser leur espèce (Élie Faure, Histoire de l’Art)

La composition intègre de multiples symboles qui ancrent la sculpture dans l’historicité universelle, en même temps qu’elle offre une facture de beauté et de force qu’approuveraient les canons de l’art antique.

Le premier regard nous plonge vers le passé. Le visage porte la barbe, signe de la sagesse éclairée qui remonte aux temps les plus lointains. Des masques se superposent, reflets de l’expérience qui s’épaissit jour après jour depuis le fond des âges, en s’appuyant sur le temps d’avant. La mémoire est de la plus haute importance, nous dit Socrate. Elle est la capacité suprême, selon Saint Thomas d’Aquin. Elle porte la connaissance. Mais plus encore, des faits passés, il faut capter le vrai, comme Van Gogh qui consacra sa vie à sa recherche. La sagesse de la décision à venir s’en nourrit. Le sourire énigmatique, et quelque peu cynique devant l’incommensurabilité de la faiblesse humaine, traduit la satisfaction de la recherche entreprise, et la richesse sur laquelle va s’appuyer le temps qui suit. Le savoir est réminiscence.

Le visage d’après figure l’extrême concentration apportée au temps présent, qui prend en compte deux attributs : l’acquis du passé, la conjoncture du moment. La synthèse du tout associe les circonstances des temps qui précèdent à celles de l’instant présent, en une congruence réfléchie. La face s’établit sous l’égide de la justice, préoccupation phare de notre humanité. La balance symbolise l’équité, l’impartialité et le sens de la mesure du tribunal. Le glaive, qui supporte les deux bras, identifie la force qui applique la loi. La Lucidité est son impératif. Donner une dimension scientifique au politique peut, seule, assurer de saines décisions. En résonance avec ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous. Vertu du souverain bien.

Puis, apparaît l’expression du futur, par le visage tendu en élévation vers les cimes lointaines. Vers l’étoile du Berger. Le regard est reposé. Épanoui, il s’inscrit dans l’univers de la connaissance lointaine. La couronne de laurier d’Apollon ceint la tête du prophète, signe de ses succès prochains obtenus dans la paix. Pour l’atteindre, le troisième œil (ou troisième regard dans la pensée orientale), l’œil omniscient qui voit tout, symbolise la connaissance de soi, celle qui nous est interne, préalable à la projection extérieure de la pensée réfléchie. La clef, dont l’anneau est triskélique, ouvre le temps ternaire. Chargée de l’histoire du monde, elle permet le passage du présent au futur, à l’infini de la connaissance et de la sagesse, telles que les imaginaient nos druides celtes. Comme les Amérindiens qui se projetaient jusqu’à sept générations lors de leurs décisions. Le Courage est la vertu suprême à cet instant.

L’embase assure la réunion des trois composantes du buste. Elle se poursuit en irradiant vers l’origine du mouvement circulaire, confirmé par l’image éternelle du demain qui renaîtra en hier. Les couronnements haut et bas du buste, par leur empreinte dynamique, conduisent le regard à s’avancer éternellement d’un état à l’autre. Comme notre univers est le rebond du précédent. Tout n’est que recommencement… L’œuvre se lit comme un ouvrage porteur des vérités du monde qu’il énonce. Par un langage symbolique, elle propose un dialogue entre l’art et l’humain. Chacun prend sa part dans le progrès universel.

Michel Le Net, le commanditaire et Daniel Druet, le sculpteur, ont travaillé ensemble pendant de longs mois sur l’ouvrage. En communion d’idées avec le but ultime du dessein, ils ont échangé en permanence pour que l’œuvre reflète les attendus majeurs qu’elle exprime : sur un support qui relève de la beauté de l’art antique, une allégorie à l’interprétation puissante, celle de l’homme en recherche de la lumière du monde, celle de L’Homme attendu !