Annexe 1

Centre de neuroéthique et d’éthique appliquée

Essai spéculatif

Le Concept d’immanence de la pulsion dynamique de la nature humaine (synthèse)

L’expansion de l’Univers façonne les fondamentaux de la nature humaine


Michel Le Net

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Un Univers en expansion

Notre Univers nait il y a 14 milliards d’années, du moins pour ne pas remonter plus avant dans le temps. « Un » parmi l’infinité des multivers qui l’entourent. Sa substance primitive est grosse de ce qui va suivre, en particulier de notre présence aujourd’hui sur Terre. Soumis originellement à une force d’expansion, il ne cesse de s’étendre, en accéléré.

Un Univers aux composantes interdépendantes

Cette pulsion originelle imprègne chacune de ses composantes. Elle les façonne à son image, suivant l’évolution naturelle de tout système organisé. La vie terrienne, née il y a quatre milliards d’années, respecte ce principe. D’abord les virus, puis les bactéries. Nous descendons des premiers. Cronos, dieu de la mythologie grecque qui dévora ses enfants, réapparaitrait-il ?

Sa dernière Création

L’Homme arrive en dernier, du moins l’homme connu. Un successeur non encore identifié peut imperceptiblement être en cours de gestation. Mais ne compliquons pas… Notre espèce se révèle en se séparant de sa lignée ascendentale il y a une dizaine de millions d’années. Rien au regard de l’infini du temps. Il est le produit, ou la résultante, d’un temps immémorial de conception. Il s’est construit par un vécu antérieur qui s’étale depuis l’origine de notre planète, pour ne pas dire au-delà. « Quand la matière s’éveille… », avance Kathinka Evers1, qui situe l’origine de la vie lors de la transmutation de la pierre du temps zéro. Nous portons la trace de notre antériorité la plus reculée. Comme les religions qui s’ancrent dans l’alchimie originelle de notre survenue.

Un Être pensant

Après les règnes de la plante et de l’animal, notre entité dispose de capacités démultipliées par rapport aux précédents. Toujours l’expansion vers l’au-delà du connu. Sa singularité, l’humain « penserait » plus que ses prédécesseurs. Cette faculté s’autoaccélère et explose en connaissances et pouvoirs. Elle met entre ses mains la survie du monde vivant.

Une capacité démultipliée à innover

Ses capacités dépassent celles des autres vivants sur Terre. L’Humain se révèle dans toutes ses dimensions, porté d’une façon irréfragable à toujours faire davantage, soumis inconsciemment à une pulsion qui l’aspire vers des horizons inconnus. Il fait sien le principe universel d’expansion dont il n’est qu’un infime élément constitutif. Suivant une courbe que l’on pourrait qualifier d’exponentielle, il révèle une audace et une compétence sans limite à innover. Une pseudo-conscience arbitraire, pour le mieux, et pour le pire… Le dynamisme intrinsèque qui le pousse toujours plus avant le fait inéluctablement rencontrer les pouvoirs extérieurs mus par la même pulsion. Là prend sa source l’agressivité, forme pathogène du dynamisme dévoyé. La pulsion dynamique devient pulsion agressive.

Cas de conscience

Avec une conscience apparente, surgit l’éclatement et la dispersion des idées, reflets de la créativité sans limite de l’esprit. Elle laisse le champ libre au bien et à son contraire, du moins tel que chacun d’entre nous les ressent. Les oppositions entre les sensibilités qui nous sont propres, enclenchent la spirale de l’amertume et du désordre. Chaque individu, chaque clan, fourbit ses armes. Poussés en permanence à se dépasser, nul obstacle ne les arrête. L’expansion de l’univers se reflète dans chacun de leurs actes. L’Homme est, malgré lui, astreint à faire du hors-limites. C’est la règle du jeu, que devrait révéler une forme étendue d’analyse transgénérationnelle remontant jusqu’à l’origine des temps par des cerveaux autrement plus développés que les nôtres, servis par des moyens de calculs à portée infinie…

Conditions de survie

Transposant ce principe d’évolution à notre quotidien, nos choix doivent être fondamentalement dictés par des contraintes basiques de survie, si bien sûr, notre pérennité nous apparait comme essentielle. À défaut, les structures qui n’appliquent pas cet impératif disparaissent. Notre ancêtre Homo erectus règne pendant deux millions d’années (- 2 millions à – 100 000 ans). En Europe, l’Homme de Néandertal (- 400 000 à – 35 000 ans), ouvert et pacifique, évite l’Homme de Cro-Magnon, bien que physiquement moins fort. Principe mortel qui aurait participé à sa disparition2. Il y a 300 000 ans apparait en Afrique notre espèce Homo sapiens qui, contrairement à ses prédécesseurs, explose en interne et applique les règles du pouvoir pulsionnel.

Le Concept d’immanence de la pulsion dynamique de la nature humaine, ou l’enseignement du monde

L’analyse de notre passé, comme de l’actualité mondiale, conforte ce diagnostic. S’il est patent que nous vivons mieux au fil des ans, nous ne pouvons ignorer les mouvements de fonds qui se développent aujourd’hui en sous-main, avec pour objectifs déclarés d’effacer à terme les entités contraires. Ainsi, tels pouvoirs politiques et religieux, sans s’en cacher, avancent chaque jour leurs atouts en vue d’une domination terrienne. Les mille clignotants qui passent quotidiennement du jaune au rouge nous avertissent de l’avancée inéluctable de forces totalitaires. Jusqu’à présent, des velléités de cet ordre ont pu être arrêtées avant d’aller jusqu’à leur terme. Mais la créativité des esprits dans les armes est telle qu’un jour une circonstance imprévue emportera le monde vers le néant, ou un système cadenassé.

Dans ce temps court qu’est notre quotidien, il est possible, mieux, si l’on espère plus ou moins naïvement survivre aux prochains cataclysmes, naturels ou provoqués, il est impératif de contrer ces dérives par des mesures réfléchies. Là est notre espoir qu’apparaissent un jour des souverains biens3, qui mériteront l’honneur de recevoir le Tricéphale4 représentant L’Homme attendu ! symbole de la compétence et du courage.

Des chercheurs se sont penchés depuis longtemps sur cette étrangeté de posséder un cerveau qui, lui aussi et en cohérence, a explosé dans sa dimension suivant le concept d’expansion universelle que nous retenons (il a été multiplié par trois en trois millions d’années). Mais cette capacité d’agir sur le monde, en constante progression, n’est pas corrélée avec la sagesse qu’elle devrait sous-entendre. Du moins pourrions-nous (naïvement) l’espérer ! Ainsi, Kathinka Evers avance-t-elle : « Il semble que nous soyons une espèce répétitive, du moins en ce qui concerne nos erreurs. », que confirme Barbara Tuchman dans le même ouvrage, en observant que « Les gouvernements ont mené des politiques contraires à leurs propres intérêts tout au long de leur histoire, quels que soient le lieu et la période considérés. » Normal, son principe vital est de s’activer, hors toutes considérations sociales. Notre cerveau serait toujours à même de vaincre des difficultés propres à nos très anciens ancêtres (la force sans la loi), mais la rapidité de l’évolution ne lui permet pas d’« actualiser » aussi vite ses compétences pour résoudre comme il convient celles d’aujourd’hui (la loi et l’ordre)5.

Christian de Duve, prix Nobel de médecine6, confirme : « Les sociétés qui se sont données des lois et les ont appliquées se sont révélées mieux aptes à survivre et à proliférer. ». Mais, rajoute-t-il, nous sommes plutôt devenus des monstres évolutifs, avec un cerveau dont le volume n’est pas à la dimension de la lucidité. Einstein peut avoir initié la relativité restreinte, mais il était naturellement incapable d’en limiter les effets. Sinistres constats, mais pertinents ! Solution parfaitement imaginaire : qu’au fil du temps long, nous ayons la capacité d’effacer progressivement la marque expansive de nos origines, et lui substituer celle d’une raison universelle ? Mais les milliards d’années nécessaires seront sans doute et depuis longtemps effacées par les différents scénarios d’une fin du monde proche…

Quelle solution, résultant de l’enseignement de notre passé connu, pourrait corriger cette dérive a-humaine ? Solution : contrer sa dynamique par une force à sa dimension ! Il y a deux mille cinq cents ans, Anaxagore, penseur majeur de l’Antiquité, se penche déjà sur cette notion d’expansion de l’univers. Deux mille quatre cents ans au-delà, Anatole France adhère à l’idée : « Il n’est pas davantage de repos dans les espaces célestes que sur terre. La loi de l’effort régit l’infinité des mondes… 7 » L’écrivain note la poussée de vie de l’enfant aux premiers âges… Mais de quel principe peut-elle procéder ?

Notre recherche avance le concept d’une force invisible qui nous commanderait pour beaucoup sans que nous en ayons conscience. Remontant au plus loin de notre historicité, bien au-delà de ce que les analyses transgénérationnelles peuvent aujourd’hui nous conduire, nous pouvons admettre que nous naissons à l’image de l’univers, comme les enfants naissent imprégnés des fondamentaux de leurs parents. L’origine du monde est en nous. Elle porte la marque d’une pulsion originelle et organique de vie absolue. Avec ses excès mortifères, si l’on y prend garde…

Cependant, au fil du temps, une forme de sagesse prend corps, reflet d’une conscience qui se construit et se développe. Nés ignorants des contraintes humanitaires, nous nous civilisons. Évolution qui nous transforme d’individu primaire en être social. Mais avec un temps long, très long. Ainsi va le monde. Résumons cette analyse par l’Allégorie du Capitaine :

Un torrent (notre système planétaire) dévale (en expansion) la montagne. Vogue à sa surface une barque imaginaire, peuplée d’entités virtuelles (notre humanité), qui souhaitent arriver à bon port. Solution de survie, se laisser aller au fil de l’eau, en évitant l’obstacle mortuaire. Le capitaine (politique au pouvoir) tient le cap. Si tels dangers surgissent, brisants (guerres), troncs d’arbre (épiphénomènes), ou monstres des profondeurs (prédateurs étatiques, religieux, ou capitalistiques), il les évite ou les neutralise, mais jamais ne leur permet de modifier sa course. La faiblesse, consciente ou pas, ne pardonne pas !

Et Dieu dans cela ? Pétris et marqués par les millions d’années qui remontent aux premiers Hominidés, et au-delà par les milliards d’années écoulées depuis le point zéro du rebond de notre univers, nous le sommes particulièrement par l’instant même et les circonstances de notre apparition ; par notre empreinte originelle. Portant au plus profond de nous-mêmes cet évènement, il resurgit en nous sous la forme d’interprétations ésotériques et de croyances qui, comme les autres entités qui composent notre univers, sont mues par une force irrépressible qui les pousse à faire prévaloir leurs pouvoirs identitaires. Avec les conséquences évoquées précédemment pour toutes les composantes de notre système de vie.

Que l’on croit, ou bien que l’on ne croit pas, la réalité accorde aux religions un pouvoir originel incontournable. Victor Hugo terminait ses harangues par l’affirmation : « … et il ne restera plus d’important que le peuple et Dieu ! » Longtemps le christianisme fit corps avec le pouvoir romain, lui apportant un appui solide et vertueux. Condition : que chacun soit autonome, sans « empiéter sur les prérogatives de l’Autre ». Autonomie et complémentarité, maîtres mots de l’ordre. Mais pas séparatisme, mot-balle8, gros des incompréhensions, donc des conflits majeurs du monde…

Un concept ne vaut que s’il est conforme aux faits. C’est le cas pour celui qui nous occupe. Si l’on passe les évènements majeurs de l’actualité au travers du filtre de ses composantes, on constate que les deux systèmes se recouvrent. Il y a symbiose entre les deux entités. Cette loi suprahumaine de l’expansion universelle avance une explication de nos comportements, conscients et non. Prenant en compte sa nature, on peut la dénommer le Concept d’immanence de la pulsion dynamique de la nature humaine. Ce principe dynamique est neutre de tous sentiments. Il exerce sa force sans foi ni loi.

Seule, une éthique « humaine » peut corriger ses excès. Alors, la force s’éveille et engendre cette éthique comme la vie est née de la matière. Cependant, tant que la force brute maitrise l’organisation du monde, les lois de sagesse inappliquées marquent le temps de peuples voués à disparaître. L’ère des « gagnants » a-moraux prévaut, dénués des principes de vie salutaire qui, pour eux, relèvent d’une utopie infantile, dont on imagine sans mal combien ils seront à peine condescendants pour leurs inconscients et serviles prédécesseurs.

Exemples d’actualité passée au filtre du Concept

Valider une doctrine suppose que ses attendus explicitent raisonnablement les faits du quotidien. Avançons quelques exemples :

Les prédateurs étatiques 

Plusieurs États sont dirigés par des présidents qui apparaissent comme le témoignage de personnages pulsés vers un accroissement sans limite de leur pouvoir. Élargissement de leur territoire et monopole économique sont leur obsession. La velléité d’expansion de leur propre univers se superpose à celle dont nous sommes issus. À terme, le choc des géants s’annonce, quelles que soient les armes de dissuasion en place dans les arsenaux des belligérants. Certains rares penseurs de notre humanité ont eu conscience de cette échéance programmée.

Ainsi, pour Marc-Aurèle, dont ses Pensées reflètent la réflexion d’un homme d’État à l’apogée de son règne, « les conquêtes garantissent la paix… ». Appel inconscient à l’anéantissement programmé ? Cependant, il note en contradiction que « l’absence de conquêtes ne suffit pas à garantir la paix ». Cruel dilemme ! Effectivement, dès que l’empire s’apaise, la loi du plus fort qui lui a permis de dominer le monde laisse cours à une dérive vers les droits au détriment des devoirs. À l’autorité qui a prévalu jusqu’alors, succède la litanie mortifère des abandons, évacuations, renoncements, et au final effacement ! Conforme au principe vital qui nous gouverne, les puissances aux aguets se précipitèrent vers le corps affaibli…

Refusant toute idée préconçue, toute forme de pensée correcte, toute naïveté dans l’interprétation des faits que l’on voudrait être autre que ce qu’elle est, le progrès qui nous permet de mieux comprendre notre monde doit ouvrir des perspectives salutaires pour notre devenir. Exigence : que les solutions soient en proportion des forces qui les combattront. Voie conforme au Concept qui nous anime.

Les pouvoirs latéraux

Les pouvoirs autres que politiques (d’argent ; croyances ; …) obéissent aux mêmes règles que celles évoquées précédemment. Recherche d’une expansion infinie. À terme, confrontation probable entre des acteurs velléitaires. Même verdict pour prévenir le trou noir : qu’une velléité positive à la dimension de ces pouvoirs s’y oppose.

L’immigration

Préoccupation majeure. L’immigration est une constante depuis que l’homme quitte l’état sédentaire. Comme le sont ses effets et conséquences. Sus aux Romains, crient les Barbares il y a quinze cents ans.9 On connait la suite. Comme les Angles et les Saxons qui, venant de l’est quelques siècles plus tôt, atteignent la Bretagne d’alors. Ils s’y plaisent. Bientôt plus nombreux que les indigènes, ils les traitent comme des étrangers, puis amorcent leur immigration vers l’Armorique, notre actuelle Bretagne… On ignore aujourd’hui ces faits d’hier, donc on ne s’enrichit pas de leur enseignement pour répondre comme il convient au même phénomène. Le Concept ouvre la, ou les, solutions. Par fatigue, inertie ou mauvaise gouvernance, un trait peut à terme être tiré sur notre civilisation. Par un dynamisme de vie, une mobilité de chaque instant et surtout une direction consciente des forces en présence qui chasse le mauvais, cette présence de notre identité peut survivre. Laisser le choix du devenir aux circonstances d’un monde qui nous dépasserait, ou bien imposer des lois réfléchies pour les contenir, il reste peu de temps pour décider…

Un heureux témoignage

Prendre un peu de recul sur l’âpreté de notre étude nous porte vers un exemple sympathique, plutôt conforme aux attendus qui nous occupent. Il s’agit du Royaume Uni, que plusieurs siècles ont laissé relativement intangible dans sa configuration et ses attributs. Après plus de deux générations au pouvoir, le Chef d’État montre une autorité sans faille. Soumise à des turpitudes qui pourraient affaiblir les prérogatives de sa fonction, Élisabeth II accepte certaines adaptations aux mœurs ancestrales, mais ne faiblit pas devant des atteintes qui la mettraient en danger. Alors, la main de velours devient main de fer. La décision est prise, qui sauvegarde le fondamental. Bel exemple de lucidité et de réussite. Hommages !

Pour demain…

La matière qui nous a réunis est grosse d’enseignement. Elle devrait ouvrir des perspectives proactives aux décisions à prendre demain. Lucidité et courage (vertu qui demanderait un nouveau développement) sont les clefs d’un horizon apaisé. Mais, suivant Confucius : « Sans principes communs, ce n’est pas la peine de discuter. » Bienvenue aux esprits ouverts aux voies du progrès, sans lesquels le monde ne sera pas celui souhaité !

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  1. Neuroéthique. Quand la matière s’éveille, Odile Jacob, 2009.
  2. Marylène Patou-Mathis, Néandertal. Une autre humanité, Perrin, 2006.
  3. « Président, comment choisir le meilleur ? », communiqué de République exemplaire (site : republique-exemplaire.eu ; rubrique « Communiqués », n° 46)
  4. Le Tricéphale ou l’Homme attendu, étude interne (14 04 2020)
  5. Loi de l’ordre : D = N x C2 (D = Dommages encourus ; N = nombre des agitateurs ; C = charge de leur agressivité, de 1 à 100.)
  6. À l’écoute du vivant, Odile Jacob.
  7. Le jardin d’Épicure, et autres, A. Colin, 1910.
  8. « Le boomerang des mots-balles, ou le déni de la sagesse universelle », Communiqué n° 48 (02 12 2020) de République exemplaire.
  9. Ça pique ! Secouons nos neurones, de l’auteur, Jean Picollec éditeur, 2017.